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Le congédiement sous toutes ses formes

LES TYPES DE CONGÉDIEMENT, LES MOTIFS VALABLES ET LES RECOURS :

1. LES TYPES DE CONGÉDIEMENT

Le congédiement est un acte par lequel l’employeur décide de mettre un terme à la relation d’emploi avec l’un de ses employés. Il existe divers types de congédiement, dont le congédiement avec cause, le congédiement sans cause et le congédiement déguisé. Dans l’éventail de mesures disciplinaires ou administratives à la disposition de l’employeur, il s’agit bien entendu de la mesure la plus drastique qui doit être exercée avec précaution car elle est souvent lourde de conséquences, tant sur le plan juridique que financier.

D’abord, le congédiement avec cause se produit lorsque l’employeur ayant décidé de mettre fin à l’emploi d’un employé avait une raison valable pour agir de la sorte. Ainsi, pour que ce type de congédiement soit légitime, l’employé congédié doit avoir agi de manière à avoir préjudicié l’entreprise, par exemple en commettant une fraude, un vol, en se présentant au travail sous l’effet d’une substance, en dormant au travail, en harcelant d’autres employés ou même en raison d’un rendement nettement insuffisant après plusieurs évaluations trimestrielles. Il ne s’agit que de simples exemples, mais au final, dans la plupart des cas prévus par la loi, il appartient à l’employeur de prouver l’existence et la validité du motif de congédiement qu’il invoque pour mettre fin à l’emploi.

Ensuite, le congédiement sans cause, comme son nom l’indique, se produit lorsque l’employeur ayant décidé de mettre fin à l’emploi d’un employé n’avait pas de raison valable pour agir de la sorte. Dans un tel cas, l’employeur est dans l’obligation de donner un préavis à son employé. Comme nous le verrons plus loin, la Loi sur les normes du travail prévoit une protection additionnelle pour tous les employés ayant plus de deux (2) années de services continus (douze (12) mois seulement au fédéral) au sein de l’entreprise faisant en sorte que l’employeur ne peut pas congédier à sa guise sans motif valable.

Pour les employés syndiqués, il est important à noter qu’il faut toujours se référer au mécanisme de procédure de règlement des griefs prévu par la convention collective. À cet effet, une section sur le mécanisme de griefs et les délais pour déposer un grief en congédiement et le déférer à l’arbitrage est généralement prévue dans la convention collective, et il en va de même pour les autres griefs dont ceux concernant le harcèlement psychologique. Dans certains cas, il faut se référer à la loi comme le Code du travail du Québec ou à des lois particulières, surtout lorsqu’il s’agit de salariés régis par des lois particulières comme par exemple les employés de la Sûreté du Québec avec la Loi sur le régime syndical applicable à la sûreté du Québec.

Enfin, le congédiement déguisé se produit généralement lorsque l’employeur modifie les conditions essentielles d’emploi d’un salarié. Ainsi, lorsqu’un employeur réduit considérablement les heures de travail de l’employé, lorsqu’il diminue substantiellement son salaire ou lorsqu’il modifie son poste en lui enlevant, par exemple, certaines responsabilités, celui-ci cherche peut-être ainsi à le congédier, mais de façon «déguisée». Dans de telles circonstances, il est bien de consulter un avocat avant de démissionner pour savoir s’il s’agit en effet d’un congédiement déguisé de façon à connaitre quels sont vos droits puisque la démission peut affecter ceux-ci.

Il est très important chers lecteurs de ne pas confondre le congédiement avec le licenciement. En effet, le licenciement est un acte par lequel l’employeur met unilatéralement fin au contrat de travail avec son employé pour des raisons d’ordre économique, technologique ou financières, des raisons qui ne sont donc pas propres à l’employé mais à la situation de l’entreprise. Par exemple, un employeur dans le domaine aéronautique pourrait licencier un employé modèle car il doit abolir le poste pour des raisons technologiques ou parce que l’entreprise doit faire des coupures après la perte d’un important contrat. Le concept de licenciement, lequel est omniprésent en droit du travail et fréquemment utilisé par les employeurs pour justifier des coupures de postes ou des réorganisations administratives, fera l’objet d’un prochain article.

2. MOTIFS VALABLES DE CONGÉDIEMENT

Un congédiement valable peut se faire soit pour motif non-disciplinaire (mesure administrative) ou pour motif disciplinaire.

D’une part, le motif non-disciplinaire est celui pour lequel l’employeur blâme personnellement son employé. Il s’agit ici d’une lacune ou d’une insuffisance au niveau professionnel que l’on reproche à l’employé. Cela ne renvoie pas à une faute de celui-ci. L’insuffisance de résultats en fonction des attentes de l’employeur ou des objectifs visés ou le manque de compétence professionnelle sont tous deux des exemples de motifs pouvant justifier valablement le congédiement d’un salarié.

À titre d’exemple, dans la décision récente Godin c. RotaDyne inc., l’employeur avait procédé à un congédiement administratif d’un représentant des ventes ayant plus de deux (2) années de service continu en raison de la piètre qualité de son travail et à plusieurs accidents automobiles qu’il aurait eus dans le cadre de son travail. Le Tribunal administratif du travail a repris les cinq (5) critères suivants appliqués par la Cour d’Appel dans l’arrêt de principe en la matière, Laplante c. Costco Wholesale Canada Ltd., dans le cadre de son analyse de la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail :

 Laplante c. Costco Wholesale Canada Ltd., 2005 QCCA 788, par. 76
« […] 1) – Le salarié doit connaître les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son égard;
2) – Ses lacunes lui ont été signalées;
3) – Il a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
4) – Il a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster;
5) – Il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part. »

Le Tribunal administratif du travail a conclu dans cette instance que les accidents automobiles reprochés n’étaient pas si grave, qu’il n’avait commis aucune faute grave, ni fait preuve d’incompétence ou de négligence grossière l’empêchant de rectifier la situation et d’accomplir adéquatement son travail. Vous pouvez consulter ici la décision du TAT : http://canlii.ca/t/ggs0s et l’arrêt de principe de la Cour d’Appel au lien suivant : http://canlii.ca/t/1ll81.

D’autre part, le motif disciplinaire est directement lié à une faute professionnelle de l’employé et n’est pas lié à une simple lacune ou un simple manque au niveau professionnel de la part de l’employé. Un employeur pourrait donc congédier valablement un employé en raison d’une fraude ou d’un vol commis par l’employé, d’un manque de loyauté de celui-ci, d’absences injustifiées, d’injures, d’actes violents ou d’indiscipline.

Par exemple, dans l’affaire Hahndorff c. Restaurant & Délicatesse Gerry’s inc., dans un dossier de plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, il a été mis en preuve par l’employeur que le plaignant avait pris deux chèques dans le carnet destiné aux fournisseurs et les avait libellé à son nom et à celui de sa femme pour des montants équivalents à deux semaines de paie. Le Tribunal administratif du travail a jugé que la malhonnêteté et l’abus de confiance sont de fautes graves de nature à briser le lien de confiance devant exister entre l’employeur et l’employé et a donc rejeté la plainte du salarié plaignant, le congédiement étant donc maintenu. Vous pouvez consulter ici la décision récente du TAT : http://canlii.ca/t/gk2kj.

3. RECOURS À LA DISPOSITION DES EMPLOYÉS

Il importe de faire la distinction des recours au pallier provincial si l’on est un employé syndiqué ou non syndiqué et au pallier fédéral.

D’abord, dans la juridiction provinciale, en vertu de la Loi sur les normes du Travail (LNT), si l’employé n’est pas syndiqué et qu’il a cumulé au moins deux années de service continu dans la même entreprise, il ne peut être congédié sans cause juste et suffisante (article 124 LNT). Il appartient donc à l’employeur de prouver que le congédiement était valable. De plus, cette même loi prévoit des motifs de congédiement prohibés, s’appliquant tant à l’employé qui a plus de deux ans de service continu dans la même entreprise qu’à celui qui en a moins. Parmi ces motifs prohibés, l’on retrouve celui selon lequel une salariée est enceinte ou celui selon lequel un salarié refuse de travailler au-delà de ses heures habituelles de travail parce que sa présence était nécessaire pour remplir certaines de ses obligations familiales, telles qu’énumérées dans la Loi (article 122 LNT).

Ensuite, dans la juridiction provinciale, si l’employé n’est pas syndiqué et qu’il a cumulé moins de deux années de service continu dans la même entreprise, l’employeur a beaucoup plus de flexibilité lorsqu’il souhaite congédier l’employé. Or, bien qu’il n’ait pas à justifier le congédiement comme dans le cas précédent, l’employeur est tout de même soumis à une obligation. En effet, en vertu de la Loi sur les normes du travail, l’employeur doit donner un avis écrit à un salarié avant de mettre fin à son contrat de travail ou de le mettre à pied pour six mois ou plus (article 82 LNT). Le délai de ce préavis varie selon les années de service continu du salarié dans l’entreprise et cette obligation de l’employeur ne s’applique pas dans certaines circonstances prévues par cette loi, comme par exemple si le salarié a commis une faute grave ou s’il ne justifie pas trois mois de service. En outre, le Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit un délai de congé (article 2091 C.c.Q.). Ainsi, lorsque l’une des parties au contrat décide d’y mettre fin, celle-ci doit donner un délai raisonnable à l’autre partie. Ce délai peut varier en fonction de divers facteurs dont notamment la durée du travail, la nature de l’emploi ou la complexité pour l’une ou l’autre des parties au contrat de trouver un remplaçant ou un autre emploi équivalent.

Aussi, au pallier provincial, lorsqu’un employé est syndiqué, celui-ci, lorsqu’il est congédié, doit se fier aux modalités prévues dans la convention collective par laquelle il est régi. De sorte, l’employé croyant avoir été congédié sans cause juste et suffisante doit déposer un grief. En général, il revient au syndicat accrédité d’exercer le recours en faveur du salarié, bien qu’il soit possible que la convention autorise le salarié à loger seul un grief. Habituellement, le grief est soumis à l’arbitrage selon les modalités prévues par la convention. Le délai minimal fixé par le Code du travail pour déposer un grief est de quinze (15) jours, mais encore une fois, la convention peut prévoir un délai supérieur ou même inférieur, d’où l’importance de se fier aux modalités prévues dans ladite convention. L’arbitre peut accorder divers types de réparations pour ce recours. Il peut attribuer des dommages et intérêts en raison d’une violation à la convention collective, ce pouvoir comprenant, entres autres, une indemnisation pour la perte pécuniaire que l’employé a subie. D’ailleurs, l’arbitre peut ordonner la réintégration du salarié, avec ou sans compensation monétaire pour la perte pécuniaire que celui-ci a subie. Enfin, si l’employé a été congédié pour un motif disciplinaire, soit en raison d’un comportement fautif du salarié, l’arbitre peut aussi réduire la sanction de congédiement par une sanction moindre s’il le considère adéquat dans les circonstances.

De plus, le Code du travail (Ct) protège aussi l’exercice des droits et libertés syndicaux. Ainsi, si un salarié exerce un droit qui lui résulte du Code, tel que le droit d’association, et que celui-ci se voit infliger une sanction, telle son congédiement, le salarié peut porter plainte dans les trente (30) jours de la sanction dont il se plaint au Tribunal administratif du travail (articles 15 et 16 Ct). Celui-ci peut ordonner la réintégration du salarié et lui demander à titre d’indemnité l’équivalent du salaire ou autres avantages dont il a été privé. En vertu du Code, il y a une présomption favorable à l’employé si les conditions sont remplies et il revient donc à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou mesure à l’égard du salarié pour une autre cause juste et suffisante (article 15 Ct).

Enfin, en ce qui a trait au régime fédéral, il faut se fier au Code Canadien du Travail. Ainsi, toute personne qui se croit injustement congédiée peut porter plainte à un inspecteur sous certaines conditions prévues par le Code dans les quatre-vingt-dix jours (90) qui suivent la date du congédiement, tel que prévu à l’article 240 du Code canadien du travail.

Dans un récent arrêt du plus haut tribunal du pays, Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée, a confirmé que les employés non syndiqués sous juridiction fédérale (ex. banques, télécommunications, transports maritimes ou ferroviaires, énergie atomique, etc.) ne pouvaient être congédié sans cause juste et suffisante en leur donnant un simple préavis de plusieurs semaines de salaires. En effet, la Cour suprême du Canada a confirmé que l’article 240 du Code canadien du travail avait eu pour effet de modifier l’ancienne règle de Common law permettant de congédier un employé à tout moment en leur donnant un nombre de semaines de salaire en guise de compensation. Vous pouvez consulter cette décision phare ici : http://canlii.ca/t/gsh2g.

EN CONCLUSION

Dans tous les cas, qu’on soit syndiqué ou non syndiqué, qu’on relève du fédéral ou du provincial, si vous considérez avoir été congédié sans cause juste et suffisante, ou si comme employeur vous désirez procéder au congédiement d’un employé, il est important de consulter un avocat pour mieux connaître vos droits et vos recours. Comme vous avez pu le constater, il existe différents types de congédiement, le congédiement est la sanction ultime et l’employeur doit agir avec précaution et discernement avant de procéder au congédiement d’un employé. Le mécanisme de différends et le tribunal compétent dépendra du régime applicable (provincial ou fédéral), de l’existence ou non d’une convention collective et de l’application de lois particulières propres à certains domaines de travail.

L’information contenue dans ce fascicule est générale et ne constitue pas un avis juridique. Si vous avez des questions particulières ou un problème d’ordre juridique quelconque, n’hésitez pas à nous consulter.

Me David Bessette

En collaboration avec Mme Florbela Fernandes, étudiante en droit de l’UQAM

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